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A table avec les Chollimas

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(Avec le capitaine de l’équipe de Corée du Nord de football, Hong Yong-Jo) 

Mazette ! Je me suis retrouvé nez à nez avec l’équipe nationale de football nord coréenne en allant dîner dans l’un de ces restaurants coréens de Pékin…

Souvenez-vous: ils sont gérés par l’ambassade de Corée du Nord adjacente et les recettes sont directement expédiées à Pyongyang, toujours en mal de devises étrangères (relire “La diplomatie du Kimchi“, mon reportage Mediapart: http://bit.ly/fpYbEo ).

Les joueurs, donc, rentraient d’un tournoi triomphal au Népal. Et avant chaque retour au pays, le groupe s’accorde deux jours de répit à Pékin. L’équipe est hébergée à l’intérieur de l’ambassade et n’est pas autorisée à déambuler hors du quartier. Pour se rendre au restaurant, joueurs et entraîneurs en jogging adidas sont escortés à pied par des officiels en costume sombre, le pin’s de l’immortel Kim Il Sung sur la poitrine.

Au restaurant, les champions côtoient là encore le personnel de l’ambassade et des serveuses érotiques comme des portes de prison. Ce soir, j’étais le seul client non-coréen et l’on m’a demandé, en arrivant, si j’étais américain. Mais je ne suis pas expulsé, juste placé à l’extrémité du restaurant. Mais cela ne m’empêche d’échanger quelques sourires avec les athlètes, curieux. Pendant que le staff ripaille, les joueurs dévorent silencieusement leur bibimbap (riz mélangé avec des légumes, de la viande) ou picorent des morceaux de bulgogi (morceaux de viande de boeuf ou de porc marinés puis grillés) . Chaque table de joueurs dispose d’une grande bouteille de coca de deux litres, posée au sol, à l’abri du regard des autres clients. Sur le mur, un écran plat diffuse un concert en hommage à Kim Jong Il, le vénérable secrétaire général du Parti des Travailleurs de Corée. Une photo encadrée présente l’équipe au complet.

Au cours de ce succulent repas, quelques joueurs quittent la table pour prendre un peur d’air frais. Tiens, et si j’allais fumer une cigarette? Dehors, dans la pénombre, je repère un joueur qui… siffle, tandis qu’un autre se fait sermonner, en coréen, par l’officiel chargé de les escorter.

Vers la fin du repas, je me lève et me dirige directement vers l’officiel assis dans un coin de salle. Par la grâce du houblon ou d’un dîner copieux, ce dernier, plutôt avenant, accède à ma requête, exprimée en anglais. Je vais pouvoir m’attabler avec les joueurs et l’un d’eux, Cha Jong-Hyok, évoluant en Suisse, va me servir d’interprète ! L’officiel me laisse tranquille et poursuit sa discussion avec les entraîneurs.

Parmi les joueurs, je fais la connaissance de Kim Myong- Gil, 26 ans et gardien de but au Amrokgang de Pyongyang, propriété du ministère de l’Intérieur. “Wow, your name sounds like Kim Jong Il !“. Que n’ai-je pas dit ! Le joueur sursaute sur sa chaise de bois, son visage change de couleur instantanément. Comment ai-je pu jeter ainsi en pâture le nom de leur dirigeant bien aimé, comment ai-je pu le mettre au même niveau qu’un jeune pousseur de ballon? L’ambiance est plombée. J’aurais du botter en touche. Très vite, je change de sujet en dégainant mon appareil photo. Je demande au joueur “suisse” de nous photographier, bras dessus – bras dessous. Passement de jambes réussi. C’est d’accord.

Cha Jong-Hyok a bien compris l’incident diplomatique et me propose de changer de table fissa pour rencontrer le capitaine, Hong Yong-Jo, souriant dans son jogging noir mais pas très bavard. Nous parlerons de leur participation plus qu’honorable à la dernière coupe du monde, en Afrique du Sud. Je démarre par un exercice de contrition, en rappelant que l’équipe de France a été particulièrement misérable maladroite et que jamais nous n’aurions été capables de mettre un but contre le Brésil. (Car les Chollimas ont marqué à la 88e minute contre la Seleçao à Johannesburg, ramenant le score final à 1-2). Le capitaine se détend. Je respire. En évoquant la grève des Bleus, Cha Jong-Hyok sourit à son tour et me tape sur l’épaule: “Tu sais Jordan, ces choses là arrivent dans toutes les équipes”. Je n’ose toutefois imaginer le châtiment que leur leader bien aimé leur aurait mijoté s’ils avaient joué les mutins, juste avant un match. Mais coupons court aux rumeurs, la lourde défaite des Nord Coréens contre le Portugal l’été dernier – ils se sont faits atomiser 0-7- ne s’est donc pas soldée par un séjour perpétuel à la mine ou en camps de travail pour le sélectionneur Kim Jong Hun. Merci à mes hôtes pour ce moment inoubliable. 감사합니다 !*

(*: je vous remercie, en coréen)


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